Photo : Hugo Lorini
Sous sa main, les femmes dansaient, étiraient leurs longues jambes en étoiles, tantôt d’ici, tantôt de là-bas. Comme dans sa vie, les Iles-de-la-Madeleine et la Thaïlande s’éclipsent pour lui laisser toute la place. Jamais n’aurons-nous connu un être aussi juste, aussi inspirant, aussi doux.
Les acryliques, les encres, les lignes, les froissements de teintes et de tons bruts s’extirpaient de ses spatules endiablées. Il fallait voir peindre René Lemay. Je l’ai souvent regardé travailler, entre les rayons de soleil qui traversaient les fenêtres encrassées de cet ancien poulailler du quartier industriel de Saint-Eustache. J’ai assisté à sa toute première exposition alors qu’il s’illustrait déjà par sa pointe d’humour, ses couleurs sorties directement des tubes, sa tendresse évidente. Comme j’admirais cet artiste que l’on dit autodidacte.
Comment, autodidacte ? René a passé toute sa vie à se préparer à devenir le plus grand peintre d’Amérique par son observation étonnante de ce qui se passait tout autour, admirant les œuvres de ses contemporains et se disant qu’il était armé pour faire encore mieux.
René le curieux
René l’ambitieux
Le vendeur de rêves
Le père aimé
Le mari affectueux
René l’ami généreux
C’est à toi que je m’adresse, René Lemay. Tâche de continuer à nous éblouir. Parce que tu ne pourras jamais partir pour vrai. Tu as laissé au monde tes racines, tes ambitions, tes couleurs, tes sculptures, tes tableaux, tes enfants, ton rire tout en retenue. So, darling, ne fais pas semblant d’être parti. Jamais tu ne quitteras cette terre car tu vivras dans le souvenir des gens qui ont eu la chance de te croiser sur leur route. Tu vivras à travers tes œuvres. Tu me disais : l’important c’est de laisser une œuvre derrière soi. C’est la plus grande chance de vivre pour l’Éternité. Adieu, mon ami. Et merci pour tout.
FRANCINE ALLARD, écrivaine et peintre
3 octobre 2015 à Saint-Eustache