Elles ont la forme d’un hameçon et s’engloutissent dans une mer d’encre verte
Les pêcheurs lèvent le rideau sur la scène blanche
Aucun braconnier puisqu’on pourrait les apercevoir tout le tour
Pêche côtière pêche au grand chalut pêche littorale
Debout dans le chalutier il pense à sa peau de pêche à ses yeux humides
Il songe à la chaleur de la couette et aux effluves du savon de Marseille
En fixant l’horizon lourd d’ouate grise et la ligne aveuglante du jour levant
Le pêcheur jauge l’avenir de ses os qui se tuméfient de ses mains qui se râpent
La mer porte son gagne-pain sur son dos et dans ses entrailles
Et la mort si proche quand la tempête soulève le chalutier le secoue et le frappe
Et le vire peut-être
Les filets s’emmêlent comme les cheveux de sa blonde
S’effilochent comme ses tresses noires et se rompent
Et le morutier pleure ses trop longues nuits de turlutte
Qui libèrent les cages les lignes les cordeaux
Le pêcheur sait tout ça
Et repart enfilant ses waders et ses bottes
Attrape son haveneau et sa tartane saute sur le pont
( Saisit ses spatules et ses pinceaux et ses tubes de soleil)
et dit adieu à la terre
Texte : Francine Allard