Quelques années plus tard, à ses débuts comme peintre, sa facture et ses sujets sont pour l’essentiel traditionnels. Puis, ses recherches évoluent vers un style plus personnel et le mènent, dans les dernières années, à une maîtrise du médium qui lui procure une plus grande liberté et surtout, qui lui ouvre de nouvelles voies d’exploration plastique.
Lors d’un récent voyage en Asie, René Lemay a affiné sa technique grâce à la découverte d’un monde dont il garde une empreinte profonde et dont les conséquences sur son cheminement artistique demeurent indélébiles. En fait, l’artiste réussit en Asie ce qu’il peut difficilement réaliser ici: côtoyer d’autres artistes dans un climat de fraternité et d’ouverture que notre individualisme local ne nous autorise plus. Ses contacts asiatiques se révèlent des plus stimulants, tant sur le plan humain que du point de vue pictural. Il rencontre des artistes balinais traditionalistes qui, de génération en génération, ont appris à s’exprimer à travers un langage unique; un artiste javanais chez qui l’oppression politique se traduit par une approche fortement politisée qui lui permet de rendre les souffrances de tout un peuple; un artiste d’origine hollandaise, Arie Smith, installé à Bali depuis la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il avait été fait prisonnier par les Japonais. Toutes ces expériences de vie fascinent Lemay, sans compter le dépaysement que contribuent à créer les volcans, les rizières et la nature luxuriante. De fil en aiguille, sans forcer les choses, il se lie d’amitié avec des artistes venus de partout et pour qui Bali constitue une étape de choix. Ils travaillent en groupe dans un atelier ou encore à l’extérieur, peignant sur le motif. Certains s’amusent à emprunter la manière de l’autre, chacun travaillant selon une technique issue d’une culture unique qui, quelle qu’elle soit, n’est pas moins ouverte aux métissages. Naturellement, les couleur de René Lemay changent: elles deviennent plus vives, flamboyantes, comme en témoignent ses dernières oeuvres. L’approche picturale de René Lemay demeure avant tout intuitive. L’artiste trace beaucoup de croquis, souvent sur le motif. Ces esquisses constituent un point de départ dans l’élaboration de ses tableaux. Il adopte ensuite un mode s’apparentant à l’automatisme, se laissant guider par les impressions du moment, improvisant au gré de sa spontanéité. Du croquis initial, il peut bien ne rien subsister. Lemay aime comparer sa méthode de travail à celle du musicien qui improvise sur un thème donné. D’ailleurs, sa peinture est fortement marquée par le rythme, le mouvement. Du geste non prémédité jaillissent sur la toile des formes suggestives et évocatrices de ses expériences de vie antérieure, notamment les voyages et les rencontres. Lemay privilégie la spatule, un instrument qui lui procure une grande liberté et qui lui permet de donner libre cours à son imagination. Il en résulte des effets qui s’apparent à s’y méprendre à ceux du collage. Il n’utilise que de la couleur pure, qu’il mélange directement sur la toile parfois par superposition. Une fois les formes mieux définies, il se laisse influencer par celles-ci et cerne certaines d’entre elles de traits linéaires, donnant naissance à un coq, un voilier, des personnages. René Lemay repartira bientôt pour l’Asie. Fort de l’expérience de son périple précédent, l’artiste souhaite qu’une fois de plus ces nouveaux horizons lui ouvrent les siens propres et guident son imaginaire vers de nouvelles frontières.