Le souffle des Îles | 2002 | Robert Bernier

Robert Bernier | Revue parcours | Été 2002

Saisir le temps qui passe, l'emprisonner sur une surface avec de la matière, des pigments, avoir la sensation de capter la lumière avec ses pinceaux, ses mains ou la truelle, faire jaillir le réel par une autre porte, le modifier et y laisser sa marque.

Voilà ce que la peinture permet ou donne l'impression de permettre. Pour le peintre, les lieux physiques où il s'exécute revêtent dès lors une importance capitale. L'atelier, et notamment ses dimensions et la fenestration, a une incidence sur les oeuvres qui y sont produites. Mais son emplacement, et en particulier la région dans laquelle il est situé, peut se révéler un facteur fondamental par l'influence qu'il exerce sur la gamme chromatique utilisée par l'artiste. Les exemples en ce sens sont nombreux. En fait, ils sont innombrables, bien que certains soient mieux connus. Chez les impressionnistes, l'Île de France, avec sa lumière si singulière, a tracé la voie à ce groupe désormais célèbre, et ce tant en ce qui a trait aux choix de couleur qu'à la manière de l'appliquer sur le support.

Plus près de nous, les tableaux de Jeanne Rhéaume peints en Grèce ou ceux de Stanley Cosgrove réalisé au Mexique portent l’empreinte de cette lumière saturée qui absorbe presque la couleur tant elle est franche.

Dans cet esprit, l’influence des lieux sur le rendu final d’une production picturale, le peintre René Lemay se prépare comme à chaque été, à aller peindre aux Îles-de-la-Madeleine, au large du golf du Saint-Laurent, là où la lumière se mélange comme nul part ailleurs à la mer et aux dunes de terre rouge. La production de toiles qu’il réalise dans ces conditions particulières porte la marque à la fois indescriptible et bien tangible de ce petit archipel situé dans l’embrasure de l’Atlantique. Les sujets qui sont chers à l’artiste - personnages, voiliers, etc - s’imposent à lui d’une manière différente. Il se permet même quelques tableaux peints sur le motif, notamment à la tenue des symposiums Mer océans, en juillet, un événement qui regroupe des artistes locaux et nationaux, et Art figuratif, en août, qui rassemble plusieurs artistes du continent. C’est sans compter l’événement Barbouill’art, présenté au bord de mer à Havre-Aux-Maisons, au cours duquel une quinzaine de participants doivent exécuter une oeuvre sur papier en moins d’une heure pour ensuite voir le fruit de leur travail vendu à l’encan, sur place.

Dans son atelier des Îles, René Lemay entamera une production d’oeuvres qui intégrera des laques, une technique apprise lors de ses séjours au Vietnam, auxquelles il greffera des collages. Ses oeuvres sur bois lui permettent d’explorer de nouvelles avenues et de faire le pont entre les expériences artistiques diverses acquises en des lieux différents et dont le rendu final se distingue de sa production habituelle. Ses laques « techniques mixtes » seront présentées vraisemblablement à la Galerie l’Harmattan de Baie-Saint-Paul. Enfin, si vous passez par les Îles, cet été, allez faire un tour au Havre atelier-galerie : vous pourrez y admirer des oeuvres de René Lemay, mais aussi de bien d’autres artistes.

Ainsi, entre ses excursions de voile, sa production et sa participation aux activités culturelles des Îles-de-la-Madeleine, René Lemay garde le cap sur la continuité tout en laissant à la brise de la nouveauté et de l’imprévu le loisir de la mener vers d’autres horizons.